La commune de Kérien, à 12 km au sud de Bourbriac, dans l’ancien évêché de Quimper, comportait deux paroisses, aujourd’hui simples relais de la paroisse Saint-Briac de Bourbriac : Kérien et Saint-Norgant. Cet ensemble possède quelques croix et calvaires de différentes époques.
Saint-Norgant
Nous commencerons la visite par Saint-Norgant, gros village qui se situe dans un territoire marqué par la présence d’une part de l’étang du Blavet, et d’autre part par des éléments archéologiques ou historiques qui témoignent d’une présence humaine ancienne. Le village est situé à un carrefour de voies anciennes ; il n’est pas loin du menhir de Crec’h-an-Argant, ni du caveau de Kérivoa en Bourbriac. Depuis de temps très reculés, des hommes ont donc vécu en ce lieu. Divers menhirs jalonnent la contrée. En ce qui concerne le Moyen-Âge, on note également la proximité de la motte féodale de Cosquer-Jéhan (XIIe-XIIIe s.) dont voici quelques photos.
L’église de Saint-Norgant en Kérien
L’église Saint-Yves de Saint-Norgant fut construite de 1868 à 1880, sur les plans de Le Guilcher de Bourbriac, le maçon étant René le Flohic (de Bourbriac également). Elle remplaçait une plus ancienne que fit démolir le maire de Kérien de l’époque, Barthélémy le Cam. L’église contient un beau Christ en croix ancien. Son chemin de croix dut érigé le 23 mars 1880 par le chanoine François Le Goff, curé de Bourbriac, en présence du recteur l’abbé Quérou. Les stations avaient été offertes par Marie-Anne Steunou et Marguerite Guillou, du village de Kerlégan, tertiaires de Saint François d’Assise. (D’après le cahier de paroisse manuscrit).
Croix de Saint-Norgant
Si l’on vient de la direction de Bourbriac, on remarque d’abord le cimetière, sur la droite. En son centre, un Christ en croix veille sur les défunts. Difficile de dater cette croix ; elle vient sans doute de l’ancien cimetière (jadis autour de l’église). Elle est en tous cas plus ancienne que le cimetière actuel, qui fut mis en fonction, après bien des péripéties, en 1895.
Une autre croix du cimetière retient l’attention, une croix tombale sculptée par Morvan de Bulat, dont l’œuvre mériterait d’être mieux connue. On lira avec profit l’article consacré à cette famille de tailleurs de pierres dans le n° 50 (2008) de Pays d’Argoat, article rédigé par Jean-paul Rolland.
Dans l’ancien cimetière, près de l’entrée de l’église, on remarque une croix assez récente, sans doute récupérée sur une tombe désaffectée.
Enfin, à la sortie du village au bord de la D 69 se trouve une croix au fût élégant, avec un crucifix en métal.
Croix de Kerwenn (ou : de la Ville-Blanche)
Située non loin du village de ce nom, cette croix isolée veille au bord d’un chemin.
Croix de Villeneuve
Cette croix située à proximité du village de Villeneuve est également isolée dans la campagne. La partie sommitale, qui semble avoir remplacé une croix plus ancienne (le fût et le socle sont d’avant le XIXe s.). Ainsi qu’en témoignent les trous dans la pierre, cette croix supportait naguère un Christ en métal.
Kérien : calvaire de Kerligan ou Kerlégan
(autrefois : Kerligavan, Kerligonan)
La seigneurie de Kerligavan appartenait en 1621 aux Berthelot de la Morandaye (alliés aux Kérénor, du Helloc’h en Bourbriac). Possessions : manoir (en ruines) de Kerligavan, moulin et étang du même nom, manoir de Coatantiec (ou Coantiec)… On est donc dans des terres nobles, ce qui peut expliquer la présence de ce calvaire monumental et de très belle facture, daté du XVIe siècle. Il fut abattu par la tempête de 1987, puis restauré. Inscrit aux Monuments Historiques depuis 1964, c’est l’un des plus beaux calvaires de la région. Au sommet de son fût écoté (les écots évoquent soit les bubons de la peste, soit le ramage d’un arbre émondé) se trouve, orienté à l’est, un Christ en croix entouré des deux larrons. A l’ouest, une descente de croix laisse deviner malgré l’érosion de la pierre une pietà, entre deux personnages qui sont Marie-Madeleine (à dr.) et Joseph d’Arimathie ou Nicodème (à g.)
Calvaire de Kerlouet (XVIe et XIXe siècles)
Les Monuments Historiques datent le socle inférieur du XVIe siècle. La croix est moderne, probablement d’Hernot (Lannionnais qui fit des centaines de calvaires). Une inscription, elle aussi moderne, comporte le nom de J. Lautout (nom d’une famille de ce village), qui pourrait avoir commandé cette croix et le socle supérieur. Le socle inférieur (XVIe s.) comporte une sculpture de saint à chaque coin. On reconnaît Jacques et Paul, un autre pourrait être Saint Yves (il met la main au gousset en vue d’une aumône). Quant au troisième, il semble être un moine de l’ordre de Saint François (ceinture de corde), tenant en mains un cœur qui rayonne. Voir à ce sujet notre article : http://www.saintbrieuc-treguier.cat...
L’église Saint-Pierre de Kérien (22)
L’église paroissiale de Kérien fut bâtie de 1836 à 1852 d’après les plans de l’ingénieur Théophile Buhot-Launay, de Guingamp (né en 1834). Le proche sud vient de l’ancienne église.
Calvaire du cimetière (bourg de Kérien, 22)
La base et le fût de ce calvaire semblent anciens (XVIe s. ?). Quant à la croix elle est de l’atelier d’ Hernot et date probablement de la fin du XIXe s.
On notera les « écots » particuliers du fût, stylisés en torsades. Le cas est rare.
Il faut prendre la peine d’entrer à l’église pour admirer aussi un Christ en croix ancien.
Calvaire au bas du bourg
Au bas du bourg, au carrefour de la route de Guingamp et de celle de Maël-Pestivien, de trouve une Croix de Mission, œuvre de l’atelier Hernot de Lannion. Elle comporte des inscriptions sur toutes les faces de son socle :
- face ouest : MISSION 1881
- face sud : ENOR DA JESUS HAG DE GROAS (Tr. : Honneur à Jésus et à sa croix)
- face est : SAVET GAND INEO MAD PAROUS KERIEN (Tr : érigée par les bonnes âmes de la paroisse de Kérien)
- face nord : C JOUAN Président P COENT Trésorier A COENT Maire HERNIO Recteur HERNOT sculpteur NB : 1) Président, Trésorier = du Conseil de fabrique de la paroisse. 2) A Coent = André-Marie Le Coent, maire de 1870 à 1906. Voir le rôle des Le Coent dans la vie municipale à la fin de l’article : http://www.paroisse-bourbriac.catholique.fr/ecrire/?exec=article&id_article=434 Autour du fût de la croix, citation de saint Jean (Jn 11, 25-26) : Ego sum resurrectio et vita. Qui credit in me etiam si mortuus fuerit, vivet. (Tr. : Je suis la résurrection et la vie. Qui croit en moi même s’il meurt, vivra).
Calvaire de Bodgué (en breton : Bodgwez)
Ce calvaire du XVIe s. est situé près du village du même nom, au bord de la D8, à gauche en direction de Guingamp. C’est un très beau calvaire, bien conservé et bien entretenu dans son petit enclos. Les branches des quatre arbres qui l’encadrent viennent toucher l’Arbre de Vie… Son Christ en croix est orienté vers l’est, ce qui est inhabituel et qui témoigne d’un déplacement sans doute au cours de travaux routiers. Des anges recueillent le sang du Christ dans des calices, et deux personnages se tiennent de chaque côté de la croix : probablement la Vierge (à g.) et saint Jean (à d.)
Au revers, une Descente de Croix : la Vierge reçoit le corps de son Fils mort. A ses côtés, probablement Saint Jean (à g.) et Marie-Madeleine (à d.).
Au-dessous, un écusson avec un calice surmonté d’une hostie semble indiquer que le commanditaire de ce monument était un prêtre. Encore un peu en-dessous, une sculpture représente sainte Véronique tenant le linge sur lequel s’est imprimée la Sainte Face.
Croix de Langren
(en breton : Kroaz Lanngren) Située au bord de la D 8, plus haut que Bodgué en allant vers Guingamp, au carrefour d’une route qui mène à Cosquer-Jéhan, elle est du XVIIe s. On remarque sur son socle un écu qui a sans doute été martelé à la Révolution pour effacer la trace d’une famille noble.
Croix de Roc’h-Glas
A l’entrée de la route menant à ce village, une croix semblant dater de la fin du XIXe s. avec un Christ en métal. Les deux trous dans la pierre au-dessus de la tête du Christ sont la trace des fixations d’un Christ précédent qui a été remplacé.
Chapelle Saint-Jean de Pénity en Kérien, ses fontaines et son calvaire
Construite au XVIIe s., la chapelle Saint-Jean du Pénity en Kérien fut remaniée en 1843. Souvent, les édifices dédiés à saint Jean sont l’indice d’une possession des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem.
Deux fontaines se trouvent en contrebas. La première, au bas du sentier menant aux prairies, a perdu la statue de sa niche. Elle paraît assez ancienne dans sa simplicité.
La seconde est située un peu plus loin dans une prairie. Elle a fière allure et porte la date de 1734 (et non 1733 comme indiqué sur un panneau). Elle est couronnée par une Pietà qui se trouvait contre la sacristie de l’église paroissiale jusqu’aux années 1950. A cette époque un prêtre la fit mettre où elle se trouve aujourd’hui. Il n’est pas impossible cependant qu’elle ait été primitivement à cette place avant d’avoir été mise à l’abri dans l’église. Contrairement à ce que l’on a pu lire, nous n’avons trouvé aucune autre inscription sur cette fontaine.
Le calvaire de Pénity en Kérien (22)
Nous n’avons pas encore déchiffré l’inscription du socle de ce calvaire de style Hernot, si ce n’est sa date : 1867.
Conclusion
Nos ancêtres ont ainsi marqué le territoire de leur paroisse du signe de la Croix, comme un témoignage de leur foi en Celui qui, au Golgotha, donna sa vie pour les hommes de tous les temps. Il est heureux de voir que la plupart de ces monuments sont entretenus. En effet, ils ont encore beaucoup à nous dire : on ne doit pas passer à proximité d’eux dans l’indifférence. Tant de générations ont prié à leur approche, ont confié au Christ ou à sa Mère leurs soucis et leurs joies, que l’on sent vibrer la vie dans leurs parages, pour peu que l’on ait soi-même gardé au fond du cœur une place pour le Crucifié, qui est aussi le Ressuscité. Merci à celles et ceux qui entretiennent ces œuvres, qu’elles soient modestes ou prestigieuses. Jef Philippe, diacre permanent (texte et photos).